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LE CADRE NATUREL
Le Gabon est le royaume de la forêt équatoriale dense. Dans le
détail, le paysage forestier présente quelques nuances liées
à la nature du sous-sol, à l’action de l’homme et
aux différences climatiques. Cela montre d’ailleurs que la forêt
est en équilibre assez fragile, donc précaire, et que de faibles
variations de ces paramètres ont de fortes conséquences sur son
maintien ou sa disparition. Bien souvent, une pluviométrie plus modérée
(par exemple, de l’ordre de 1 500 mm annuels par rapport à une
fourchette nationale s’établissant entre 1400 et 3200 mm), se traduit
par l’apparition de savanes; le phénomène est d’autant
plus marqué si le substratum a un fort pouvoir drainant (grès,
sables, roches carbonatées karstifiées). Malgré une pluviométrie
assez élevée (approchant les deux mètres), l’existence
de ce type de terrains, où le lessivage des sols est accentué,
permet le développement de vastes étendues pelées, couvertes
d’herbe rase et, parfois, d’arbustes rabougris: c’est le cas
des Plateaux batékés à l’est du Gabon, s’étendant
plus largement encore sur le Congo Brazza. Là, on se croirait plus volontiers
au Sahel qu’au cœur de l’Afrique équatoriale. Plusieurs
dizaines de mètres d’épaisseur de sables recouvrant des
assises gréseuses expliquent cette anomalie sur une région qui
constitue pourtant un château d’eau pour les contrées environnantes
et d’où naissent de nombreuses rivières. En réalité,
l’eau s’enfonce immédiatement et ne séjourne pratiquement
pas dans la tranche superficielle du sol; la végétation habituelle
de ces contrées ne peut donc s’y développer normalement.
Malgré une forte pluviosité, la nature du sous-sol a donc une
incidence importante sur le développement de la végétation,
composante essentielle de l’environnement.
Ailleurs, lorsque les conditions ne permettent pas le maintien d’un couvert
forestier dense, on observe un paysage typique de mosaïque forêt-savane,
se caractérisant par la présence générale de savanes
(à herbes le plus souvent très hautes: de l’ordre de trois
mètres) morcelées par un réseau assez serré de forêts-galeries.
Malgré son recul général que l’on constate habituellement
vers les latitudes sahéliennes, il faut souligner que sur la plus grande
partie du territoire gabonais, la forêt est actuellement en progression
sur la savane. Sur la région qui nous intéresse, de nombreuses
savanes sont progressivement “ mangées ” par les arbres.
Ce phénomène est perceptible depuis plusieurs dizaines d’années
au moins (8). Le domaine des Kota, quant à lui, s’étend
essentiellement sur la forêt, du moins pour le nord. Vers le sud (régions
de la Sébé, de Franceville , en amont sur l’Ogooué),
les savanes avec forêts-galeries prennent une nette extension.
En ce qui concerne le relief, le Gabon de l’intérieur est un pays
ne présentant jamais un caractère véritablement montagneux;
toutefois, par suite d’une phase géologique contemporaine de rajeunissement,
il offre souvent dans le détail un caractère fortement disséqué:
vers leurs parcours amonts, les vallées sont fortement imprimées
dans le substratum et marquent des creux fréquemment supérieurs
à la centaine de mètres. A Lastoursville par exemple, l’Ogooué
coule à la cote 230 alors que les sommets des collines avoisinantes oscillent
entre 300 et 630 mètres. Si ces collines sont plutôt du style “
profil en demi-orange ” sur le socle granito-gneissique, les terrains
sédimentaires du Francevillien (9) impriment une nette morphologie de
plateaux, de cuestas ou de buttes-témoins (région de Moanda, par
exemple). L’un des hauts-lieux historiques des Kota, le Mont Ngouadi,
est une longue butte-témoin résiduelle de grès précambriens
dominant étrangement une pénéplaine assez monotone. Les
altitudes les plus élevées sont rencontrées tout au nord
dans la région de Mékambo et Bélinga où la crête
des collines de fer atteint l’altitude de 1 000 m. Sur des tronçons
entiers de leur cours, certaines rivières, au contraire, en arrivant
dans des zones de plaines s’étalent pour donner de vastes flats
marécageux (cas de la Liboumba, de la Mounianghi).
En raison de la pluviométrie élevée, le réseau hydrographique
est dense. fi est organisé autour du fleuve Ogooué et des affluents
rive gauche de l’Ivindo, lui-même affluent de ce fleuve. Ces différents
cours d’eau prennent naissance, vers l’est, sur les Plateaux batékés,
aux confins sud-est du pays kota et, vers le sud, sur le massif du Chaillu.
Leurs positions amont sur les bassins hydrographiques n’en font pas des
voies de communication bien importantes. Même la pirogue n’est utilisée
que sur des parcours très brefs tant certaines rivières peuvent
être étroites (et alors encombrées d’un fouillis végétal),
sinueuses ou entrecoupées d’obstacles divers. Brazza par exemple,
lors de sa pénétration du pays en 1877 arrêta sa progression
par le fleuve à quelques kilomètres au-delà de Franceville,
aux chutes de Poubara. Bien que les vallées puissent déterminer
des axes pour les déplacements, ceux ci s’opèrent essentiellement
sur les lignes de crêtes, voies bien connues des éléphants
lors de leurs pérégrinations! Il en a certainement été
de même pour les grandes migrations humaines (10).
ELEMENTS D’HISTOIRE:
Sans même vouloir remonter très loin, il est délicat de
retracer les grandes lignes, même sommaires, de l’histoire des Kota.
Le manque total de tradition écrite oblige à se retourner sur
une tradition orale étroitement liée à la succession des
événements ponctuels survenus dans la famille, ou dans le clan
depuis un nombre limité de générations et ce avec un souci
tout relatif de la précision chronologique. Il sera donc difficile d’élaborer,
à partir des témoignages mal calés dans le temps, une synthèse
de l’histoire du peuple entier. Ce problème débordant totalement
le domaine de nos compétences, nous nous contenterons de dégager
simplement quelques faits marquants en reprenant les résultats auxquels
sont arrivés certains auteurs, essentiellement L. Perrois (11), E. Andersson
(12) et M. Alihanga (13) auxquels nous renvoyons, pour plus de détails:
les avis concordent pour affirmer que les Kota n’occupent leur position
présente que depuis relativement peu de temps. Pour les dernières
étapes de leur migration et par des trajets parfois différents,
la tradition orale les fait venir de régions que l’on peut situer
vers la Moyenne Sangha, c’est-à-dire à 500 km vers le nord-est.
La migration vers les positions actuelles aurait pu se dérouler vers
le XVIIe siècle ou même bien avant. En raison de la pression d’autres
ethnies belliqueuses (Bakwélé, Ossyéba, etc.), leur parcours
dut être assez désordonné. Vers le XVIIIe siècle,
les Obamba, pour ce qui les concerne, semblaient durablement établis
dans la région d’Abolo, non loin de Kellé en territoire
congolais.
Mais un violent conflit avec leurs voisins, suivi de dissensions internes, leur
fit reprendre le bâton de pèlerin. Alors qu’une partie d’entre
eux se dirigeait un peu plus au sud vers le pays téké, d’autres
partaient en direction de l’ouest. C’est ainsi qu’au XVIIIe
siècle, le centre du pays kota était établi sur la haute
Dilo, la zone du Kélé Ngouadi et le curieux (14) plateau de Ngoutou.
Au XIXe siècle, les différents clans kota iront occuper leurs
positions actuelles: les Mahongwé remonteront légèrement
vers le nord alors que les autres groupes, comme les Obamba, continueront leur
progression et leur éparpillement vers le sud, jusqu’à approcher
la rivière Niari au Congo Brazza. Les positions définitives commenceront
à se fixer à partir de 1910 en fonction des contraintes de l’administration
coloniale française. Nous ne pouvons entrer dans le détail de
l’histoire de la migration de tous ces peuples, histoire reconstituée
difficilement à partir des bribes d’informations de la tradition
orale. Mais il est intéressant de constater, parfois, combien les récits
issus de différentes sources peuvent se recouper. En voici un exemple:
lors d’une conversation sur les itinéraires que devaient suivre
les populations en train de migrer et les interpénétrations qui
avaient pu se produire entre certains clans Obamba et les Téké-
Tsaye, Raoul Lehuard nous a rapporté, de ses informateurs de Zanaga,
que lorsque des notables de ces groupes se rencontrent, les Téké-
Tsaye prennent la parole en commençant par: “ Vous qui êtes
venus chez nous par le chemin des éléphants ”, précisant
d’une part que les Téké- Tsaye occupaient déjà
la région lorsque les Obamba y arrivèrent et, d’autre part,
désignant certaines voies praticables que les hommes suivent en brousse
lorsqu’elles existent (15). Il est intéressant de rapprocher cette
phrase de la description faite par Martin Alihanga de la migration du clan Obamba
Ngwadi à partir de la région de Franceville : c’est en poursuivant
un éléphant blessé qu’ils découvrirent un
pays où il leur semblait qu’il faisait bon vivre et qu’ils
baptisèrent “ Dzanga-Tibi ” qui devait donner, par évolution
phonétique “ Zanaga ”. Alihanga précise ces déplacements
de populations se font par la “ voie d’éléphants “
celle qu’ont suivi les premiers migrants dans la Haute-Passa c’est-à-dire
là où la traversée de ce cours d’eau ne pose pas
de problème de navigation, car les Mbede d’alors ignorent la technique
de la navigation.
En ce qui concerne les régions d’origine de ce que l’on peut
appeler les “ proto-Kota ” et si l’on veut remonter plus loin
dans le temps, les informations deviennent de plus en plus difficilement vérifiables:
en se basant toujours sur la tradition orale, Martin Alihanga rapporte que les
Obamba viendraient de la région de l’Uélé, affluent
du cours supérieur du fleuve Oubangui, dans le nord du Zaïre. Ils
auraient d’abord migré vers l’ouest jusque vers Kribi au
Cameroun. C’est là, rapporte la tradition, que leurs ancêtres
auraient vu la mer pour la première fois. Ils seraient ensuite revenus
dans la région de l’actuel Yaoundé puis dans celle de Yokoduma
(ou Yokadouma) en reprenant leur déplacement vers l’est-sud-est.
En s’interrogeant sur les ethnies que l’on peut rattacher au groupe
kota, Andersson, quant à lui, cite des relations possibles avec les Duala
du sud Cameroun.
Il fait également remarquer que les peuples (téké ou kota
?) de ce que l’on appelait “ l’Anzicana ” avaient des
tatouages tout à fait similaires à ceux des Yoruba (Nigeria) et
à ceux de populations de la région du lac Léopold: La présence,
dans ces groupes, des mêmes motifs de tatouage que ceux portés
par les anciens Anzicana nous permet de supposer que toutes ces peuplades ont
appartenu à l’origine à la même civilisation ancienne
qui par fortes vagues a déferlé vers le sud et s’est répandue
en éventail dans le centre de l’Afrique (16). Il explique ainsi
l’origine des migrations kota et fang par le contrecoup des déplacements
des Bandas de Centrafrique suite aux razzias des chasseurs d’esclaves
venus du nord (Arabes, Fulbe, Nubiens).
Comme on le voit, le puzzle n’est pas facile à reconstituer et
l’on ne doit négliger aucun indice: la tradition orale, les éléments
connus de l’histoire des autres peuples. des ressemblances linguistiques,
les traditions ornementales (coiffure, scarifications, tatouages) et diverses.
Andersson s’est, parmi bien des questions, demandé si d’autres
traditions des Kota ne pouvaient pas fournir des indications sur leur origine.
Il s’est ainsi intéressé à l’importante société
secrète masculine de la Mungala dont les origines sont en relation avec
un génie de l’eau. Curieusement, il ne trouve pas de rivière
de ce nom sur les itinéraires possibles de la migration kota alors que
les cartes mentionnent bien une rivière Mungala, affluent droit du Congo
entre ce fleuve et l’Oubangui (ce n’est d’ailleurs pas loin
de l’Uélé). Citant Even, Andersson précise que les
Kota du nord se représentaient mungala comme “ un animal fantastique
habitant des eaux ”. Cette définition mérite que l’on
fasse le rapprochement avec un autre animal fantastique bien connu des crytozoologues
et baptisé selon les lieux et les époques “ Jago-Nini ”,
“ Amali ”, “ N’yamala ” ou encore “ Mokele-Mbembe
”. Ce dernier animal. ressemblant paraît-il à un dinosaure,
a défrayé la chronique, il y a quelque temps et son existence
est surtout étayée par les récits des populations locales,
bantoues ou pygmées. Sa zone d’apparition la plus fréquente
était centrée vers le lac Télé, tout au nord du
Congo Brazza, entre la Sangha et l’Oubangui. C’est une région
de forêt inondée très difficile d’accès, une
des plus sauvages de la planète qui a probablement vu les Kota il y a
quelques siècles. Toutefois, dans les années 70 et 80, quelques
expéditions plus ou moins scientifiques n’ont pas réussi
à en confirmer l’existence.
Bien que certains témoignages inédits soient particulièrement
troublants, tout cela aurait pu en rester au stade de légendes locales
aux fondements incertains si cette curieuse similitude avec les mythes gravitant
autour de Mungala ne nous avait incité à pousser quelques investigations
sur le sujet. C’est ainsi que nous avons retrouvé dans les récits
de Trader Horn (17), aventurier de la fin du XIXe., une évocation de
ces animaux mystérieux qui, aux dires des indigènes, hantaient
les confins du Gabon, du Congo et du sud Cameroun. Lui-même en aurait
vu les traces impressionnantes. Pour conclure, il précisait qu’il
avait vu des représentations de ces animaux dessinées dans les
grottes des Bushmen. Nous avons alors dépouillé une grande quantité
d’ouvrages sur l’art rupestre africain pour essayer de recueillir
une confirmation aux dires de Trader Horn. La première constatation fut
que, d’une façon générale, cet art pariétal
bien que toujours stylisé était très figuratif et représentait
le plus souvent des êtres vivants non imaginaires. Nous avons enfin trouvé
une importante publication de Leo Frobenius où cet auteur rapportait
des relevés de dessins préhistoriques de grottes de l’ancienne
Rhodésie (18). Nous y avons remarqué, avec étonnement,
cinq figurations d’animaux bizarres, sans ressemblance avec des espèces
habituellement représentées et présentant des analogies
avec certaines formes préhistoriques. Frobenius lui-même s’interroge
et les a qualifiées “ animaux fabuleux, créations étranges
”, en utilisant l’appellation saurien pour certains.
Fig. 2 : Kelle
e Ngouadi. Que de mystères restent à jamais oubliés près
de ce roc étrange émergeant de la brume au fin fond du pays kota
(photo G. Delorme).
Il y a donc là
une énigme troublante: on ne peut exclure que dans cet environnement
stable et éloigné du monde civilisé, quelques représentants
des grands sauriens aient pu subsister, leur aire d’existence autrefois
largement étendue, se rétrécissant progressivement au fil
des siècles. Si cette hypothèse, surprenante au premier abord
mais partiellement accréditée par le témoignage des Préhistoriques,
se trouvait confirmée on aurait alors à faire à une découverte
scientifique majeure qui permettrait d’expliquer, par ailleurs, les origines
de certaines sociétés secrètes africaines, celle de la
Mungala par exemple. Pour terminer sur les rémanences possibles d’espèces
animales en cours de disparition sur les territoires qu’ont occupé
les Kota, nous attirerons l’attention sur certaines représentations
d’aspect étrange, mi-anthropiques, mi-sauriennes attribuées
à des ethnies de la Haute-Sangha (19) ou aux Zande de régions
voisines du Zaïre. L’une d’elles est actuellement exposée
au Musée du Louvre. Mythes ou réalité, ces références
à des animaux maintenant disparus ou en voie de disparition, confirment
les étapes possibles de la migration kota.
Les ethnologues et les historiens qui ont étudié ces régions
ne manquent pas de mettre l’accent sur ces grands mouvements de populations
qui ont affecté la plupart des groupes ethniques d’Afrique. Comme
leurs voisins fang, les Kota sont venus d’ailleurs. On ne peut le contester
mais il faut souligner que nous ne retraçons laborieusement cette histoire
que par les témoignages incomplets de la tradition orale.
H.T. 1 Peinture rupestre de la caverne de Mbewa, Rhodésie du Sud, animal fabuleux repris par Leo Frobenius in : Cahiers d’Art 8-9, 1930, p. 423.
Ont-ils occupé un pays vide ou bien en ont-ils chassé les occupants
antérieurs ? Nous ne pouvons manquer de nous étonner sur le manque
de réponse à ce problème. On a souvent tendance à
faire abstraction de ces derniers comme si, auparavant, les lieux de destination
de ces migrations étaient toujours déserts. Ce serait lourdement
se tromper: les découvertes archéologiques, qui ne cessent de
se multiplier depuis au moins une vingtaine d’années, démontrent
que toutes ces régions ont été habitées, souvent
pendant des millénaires, par des sociétés apparemment aussi
avancées technologiquement que celles d’Europe. Quelles causes
écologiques ou sociologiques majeures ont pu contribuer à leur
récente stagnation technologique ? En plus des ravages occasionnés
par la traite humaine lors des siècles précédents, il est
vraisemblable que les variations climatiques des derniers millénaires,
induisant immanquablement des bouleversements dans l’environnement de
ces populations, peuvent aussi, en bonne partie, expliquer cela. La forêt
que nous connaissons au Gabon n’a pas toujours existé dans son
exubérance. De nombreuses oscillations climatiques ont été
constatées sur la fin du Quaternaire. Sans entrer dans le détail,
on peut affirmer qu’une phase humide a permis à la forêt
d’atteindre le maximum de son développement entre 12000 et 3000
BP en Afrique centrale. Les observations font ensuite état d’une
évolution vers un climat légèrement plus sec avant de montrer
un retour à une tendance humide depuis quelques siècles. Comme
nous avons pu le vérifier personnellement dans l’Est du Gabon,
celle-ci se concrétise par une nette avancée de la forêt
sur les savanes en divers points de la zone équatoriale. Parfois zone
de refuge, la forêt dense reste malgré tout un milieu pénible
pour l’être humain. L’humidité et la chaleur fatiguent
vite les organismes et sont propices au développement de graves maladies
endémiques. Bon nombre d’espèces végétales
sont par ailleurs de médiocre qualité nutritive pour les mammifères
herbivores. Cela explique que le gibier soit très dispersé et,
d’une façon générale, que la nourriture soit difficile
à se procurer. Par son écran massif, la forêt est un frein
aux communications et aux échanges entre peuples. On peut donc raisonnablement
penser que les anciennes sociétés d’Afrique centrale ont
pu connaître leurs meilleurs épanouissements durant les phases
à tendance aride correspondant dans cette zone à leur environnement
le plus favorable. Les phases les plus humides, favorisant l’accroissement
de la forêt ont dû, au contraire, s’accompagner d’une
stagnation dans le développement des sociétés humaines.
Nos connaissances sur les époques anciennes ont d’ailleurs sensiblement
évolué ces derniers temps et permettent de brosser un tableau
schématique des débuts de l’occupation humaine de ces régions:
on avance le chiffre de 400000 ans pour les débuts du Paléolithique
gabonais; de la Pebble-culture aurait même été trouvée
sur les hautes terrasses de l’Ogooué. Après une courte période
néolithique entre 4000 et 2500 B.P., les études préhistoriques
récentes ont mis en évidence une arrivée massive de “métallurgistes”
bantu en provenance du nord vers 2400-2300 B.P. par des itinéraires d’ailleurs
peu différents de ceux qu’emprunteront les peuples fang et kota,
vingt siècles plus tard. Depuis, que sont devenues ces sociétés
préhistoriques dans la zone qui nous intéresse ? Comment ont-elles
évolué ? Ont-elles subsisté sur place, ont-elles été
assimilées par des populations venues d’ailleurs, ont-elles à
leur tour migré en d’autres lieux ? Quels rapports ont-elles avec
les Kota contemporains que l’on sait également bons métallurgistes
et venus du nord mais bien postérieurement ? Quelle place faire aux Pygmées,
peuple de forêt par excellence, que l’on considère souvent
comme les occupants initiaux de l’Afrique équatoriale ?
Nous reviendrons plus loin sur ces problèmes, mais il faut reconnaître
que l’on n’a pas de réponse définitive à toutes
ces questions et nous nous apercevons avec encore plus d’acuité
des limites de notre connaissance du passé de ces régions. Le
développement de fouilles archéologiques pourrait peut-être
permettre d’améliorer cette connaissance et combler l’énorme
manque de données installé entre les époques anciennes
(se chiffrant en millénaires) et les plus récentes (se chiffrant
en siècles) concernant plus spécialement le cadre de notre réflexion
sur l’art kota. Car, de façon un peu contradictoire, c’est
pour les époques anciennes que nous retrouverons les vestiges les plus
nombreux du fait de la très bonne conservation de l’outillage lithique.
Ce n’est évidemment pas le cas pour les périodes plus rapprochées
de nous où il est vraiment difficile de retrouver tout ce qui a été
fabriqué en métal ou en bois.
Cependant, tout espoir n’est pas encore perdu: les rapides recherches
que nous avons personnellement menées au début des années
80 sur le site d’anciens villages montrent que l’on peut encore
faire des observations intéressantes qui pourraient petit à petit
permettre d’augmenter la connaissance du passé d’une région
donnée. Cette connaissance imprécise de l’histoire ancienne
est un lourd handicap pour comprendre l’apparition, l’évolution
et la signification de l’art funéraire des Kota.
H.T. 2 Relique ancestrale du nkobi a ngoyi ( le panier de la panthère)
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